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L'eau à la bouche

"J'adore les sushis!"



Le succès de la gastronomie française n’est plus à faire. Souvent acclamée, parfois raillée (le stéréotype du français mangeur de cuisses de grenouilles est tenace), mais rarement égalée, la cuisine est l’une de nos fiertés nationales. Inutile, donc, à première vue, de douter de sa vitalité. Néanmoins, aujourd’hui, il est possible d’affirmer qu’il existe deux visions de la cuisine française, opposées dans leurs caractéristiques. Si, à l’extérieur de nos frontières, la France est connue (et reconnue) pour ses plats traditionnels, à l’intérieur du pays, notre gastronomie semble être le terrain d’une lente révolution qui se traduit par un renouvellement du genre.



LE MELTING-POT EST EN MARCHE

Les préférences gustatives des français ont évolué avec leur temps, et de nouveaux codes sont ainsi parvenus à s’imposer. Faut-il en conclure que la cuisine traditionnelle ne peut se réconcilier avec ces nouvelles pratiques ? Il semblerait, en tout cas, que les français plébiscitent ce changement. Ainsi, en 2006, un sondage réalisé par l’agence Sofres concernant les habitudes culinaires dans notre pays révélait que, parmi les plats préférés des français, le couscous arrivait en seconde position (22% des votes). Ce dernier a donc réussi à s’imposer dans un univers gustatif jusqu’alors peu habitué aux saveurs orientales. Personne n’avait prévu le succès inattendu de ce discret outsider.


Et pourtant, si vous habitez en métropole, le changement n’a pu vous échapper. Dans votre quartier, dans votre rue, nos ancestrales brasseries françaises côtoient, de plus en plus, des restaurants japonais, libanais, mexicains ou italiens. D’aucuns vous diront qu’ils se sentent menacés par ce mariage de saveurs. Que tout changement dans leur assiette leur est aussi fatal qu’une remise en cause de leur manière de penser. Mais, ces puristes de la blanquette de veau, ces chauvins du ragout de mouton oublient qu’aujourd’hui, le succès de la gastronomie française repose sur la richesse de ces nouvelles cuisines qui ne demandent qu’à faire partie de notre patrimoine. Ainsi, même « Le Guide Michelin » rend aujourd’hui hommage aux chefs qui osent braver les frontières du culinairement correct.



ON VA BRUNCHER ?

Et que penser du fooding ? Débarqué dans les quartiers branchés de la capitale avant de s’imposer dans toutes les métropoles du pays, le fooding consiste en une nouvelle manière d’appréhender la cuisine. Le mot prend son origine de la contraction des termes « food » avec « feeling ». Le but du fooding est d’encourager la créativité des cuisiniers afin d’obtenir des recettes modernes et audacieuses. Malgré les apparences, le fooding a été crée par deux Français -Alexandre Cammas et Emmanuel Rubin- soucieux de donner un coup de jeune à notre gastronomie. Leur idée aura permis de faire découvrir, aux papilles du grand public, toute une nouvelle génération de chefs talentueux à l’image d’Adeline Grattard, lauréate du Prix Fooding 2009. Cette dernière mélange cuisine française et asiatique dans son restaurant parisien, le Yam'Tcha. Pour elle, le dialogue entre civilisations au travers de la cuisine est non seulement possible, mais il est même productif et bénéfique.


Si le fooding reste, à tort ou à raison, un passe-temps de bobos, il serait erroné de croire que le melting-pot gustatif est l’apanage d’une seule catégorie (aisée) de la population. Il apparait tantôt sous la forme de la cuisine à l’azote pour le couple fortuné, de couscous pour le français moyen, de brunch pour le jeune cadre dynamique ou de kebab pour l’étudiant fauché. Certaines de ces cuisines sont d’origine française, d’autres nous viennent de l’étranger, mais, il semblerait qu’aujourd’hui, la force de notre gastronomie soit justement sa pluralité. Elles s’expriment en détournant les recettes traditionnelles, afin de les marier avec des saveurs inconnues.



Pendant de nombreuses années, la France est parvenue à exporter sa cuisine en la certifiant du label « 100% Français ». Cette politique a, certes, servi à renforcer l’image de prestige de notre gastronomie, mais, elle a aussi enfermé cette dernière dans un cadre parfois trop strict. A l’intérieur de notre pays, au contraire, le français d’aujourd’hui, a réussi, quelle que soit son origine, à s’approprier lentement la multiplicité des saveurs. La gastronomie serait-elle en mesure de réussir là, où, même les politiques échouent - c’est-à-dire, parvenir à créer un véritable melting-pot - ? Il est encore trop tôt pour répondre affirmativement à cette question, mais le rêve d’une France « Black-Blanc-Beurre » pourrait, en 2010, avoir lieu bien autre part que sur un terrain de foot.


Angélina PINEAU

Images :
Tour de France de la Gastronomie
Le Couscous est le deuxième plat préféré des français
Adeline Grattard et son mari Chi Wa à l'intérieur de leur restaurant, le Yam'tcha